la Saint-Nicolas ! Rien que d’évoquer son nom, je sens l’odeur du pain d’épices et j’entends le trot de son âne dans les rues pavées de mon enfance. C’est une question qui revient chaque année, alors que les premiers froids s’installent : mais au fait, qui célèbre encore ce bon vieil évêque à la longue barbe blanche ? La réponse est plus vaste et plus passionnante qu’on ne le pense.
La Saint-Nicolas est principalement fêtée dans un large corridor européen incluant la France (surtout le Grand Est), la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, ainsi que plusieurs pays d’Europe de l’Est comme la Pologne, la Hongrie et la Russie.
Maintenant, oubliez cette simple liste. Car derrière chaque pays se cache une tradition unique, une saveur particulière et un folklore qui mérite bien plus qu’une simple énumération. En tant que passionné, je vous emmène faire un tour d’Europe des traditions de la Saint-Nicolas, un voyage où la magie est souvent plus palpable qu’à Noël.
Le cœur battant de la tradition : les Pays-Bas et la Belgique
Si vous voulez vivre la Saint-Nicolas dans toute son intensité, c’est aux Pays-Bas et en Belgique qu’il faut vous rendre. Ici, ce n’est pas une petite fête d’avant-Noël ; pour beaucoup d’enfants, c’est LE grand événement de l’année.
Aux Pays-Bas, Sinterklaas est une superstar
Aux Pays-Bas, la fête est une affaire d’État, ou presque. Elle commence bien avant le 6 décembre. Dès la mi-novembre, Sinterklaas arrive officiellement au pays. Et pas n’importe comment ! Il débarque d’un bateau à vapeur (pakjesboot) venu, selon la légende, d’Espagne. Son arrivée est retransmise en direct à la télévision nationale, un événement suivi par des millions de personnes.
Chaque soir jusqu’au 5 décembre, les enfants déposent leurs souliers près de la cheminée. Ils y placent une carotte ou un peu de foin pour le cheval de Saint-Nicolas, le fidèle Amerigo. Au matin, s’ils ont été sages, ils découvrent des friandises : des pepernoten (petits biscuits épicés), des lettres en chocolat et des figurines en massepain. La soirée du 5, la pakjesavond (soirée des paquets), est le point d’orgue. C’est là que les gros cadeaux sont distribués.
Le personnage qui l’accompagne, le Zwarte Piet (Pierre le Noir), a fait l’objet de vives controverses ces dernières années. La tradition évolue, et il est de plus en plus courant de voir des Pieten aux visages simplement barbouillés de suie (roetveegpiet), reflétant leur passage dans les cheminées.
En Belgique, le Grand Saint est roi
En Belgique, l’ambiance est très similaire. Le Grand Saint, comme on l’appelle affectueusement, est la vedette incontestée du début décembre. Il rend visite aux écoles, aux entreprises, et sa grande parade dans les villes est un moment de joie intense. Les enfants lui écrivent des lettres, détaillant leurs souhaits et promettant d’être sages.
Tout comme leurs voisins néerlandais, les petits Belges placent leurs chaussures le soir du 5 décembre, espérant y trouver des spéculoos à l’effigie du saint, des mandarines (un classique !) et bien sûr, des jouets. Le Père Fouettard, son acolyte chargé de punir les enfants désobéissants, est bien présent, mais son rôle est aujourd’hui plus comique qu’effrayant. Pour beaucoup de familles belges, les cadeaux de la Saint-Nicolas sont bien plus importants que ceux de Noël, qui reste une fête plus familiale et religieuse.
L’Allemagne et l’Autriche : entre douceur et terreur
En traversant la frontière vers l’est, l’ambiance change subtilement. La tradition est bien vivante, mais elle se teinte de nuances plus sombres et fascinantes.
Nikolaustag en Allemagne
Le 6 décembre, c’est le Nikolaustag. La veille au soir, les enfants allemands ont une mission cruciale : cirer leurs bottes (Stiefel) à la perfection et les placer devant la porte. C’est un rituel important. Une botte bien propre est un signe de respect et de bonne conduite.
Au matin, le bon Saint Nicolas est passé. Dans les bottes des enfants sages, on trouve des noix, des oranges, des chocolats et des petits cadeaux. Mais attention ! Saint Nicolas ne voyage pas seul. Il est accompagné de Knecht Ruprecht (le Père Ruprecht), un personnage sombre, vêtu de haillons et le visage noirci de suie, qui transporte un sac pour y mettre les enfants désobéissants. Heureusement, sa menace est surtout symbolique de nos jours.
Le choc du Krampus en Autriche
Si Knecht Ruprecht vous semble un peu sévère, attendez de rencontrer son cousin autrichien. En Autriche, et dans certaines parties de la Bavière, Saint Nicolas est accompagné d’une créature terrifiante : le Krampus. Mi-chèvre, mi-démon, avec des cornes, une longue langue pendante et des chaînes qu’il fait cliqueter, le Krampus est là pour effrayer et punir les vilains enfants.
La nuit du 5 décembre, la Krampusnacht, est un spectacle unique. Des défilés (Krampuslauf) sont organisés où des dizaines d’hommes déguisés en Krampus déambulent dans les rues, faisant un bruit assourdissant pour chasser les mauvais esprits de l’hiver. C’est une tradition folklorique puissante, à la fois effrayante et cathartique, qui contraste fortement avec la douceur du Saint Nicolas qui passe le lendemain pour récompenser les bons.
Et la France alors ? La fierté du Grand Est !
En France, la situation est particulière. Si vous demandez à un Parisien ou à un Marseillais s’il fête la Saint-Nicolas, il vous regardera probablement avec des yeux ronds. La fête a été largement supplantée par le Père Noël sur la majorité du territoire.
Sauf dans une région qui résiste encore et toujours à l’envahisseur rouge et blanc : le Grand Est, et plus particulièrement la Lorraine.
Ici, Saint-Nicolas n’est pas qu’une tradition, c’est une véritable institution, un pilier de l’identité régionale. Saint Nicolas est le saint patron de la Lorraine, et on ne plaisante pas avec ça. La ville de Nancy organise ce qui est sans doute le plus grand défilé de Saint-Nicolas d’Europe. Des dizaines de chars, des fanfares, et une distribution de bonbons qui se compte en tonnes ! C’est un événement festif et populaire qui attire des foules immenses.
La légende locale est aussi très présente, celle des trois petits enfants qui, s’étant perdus, furent tués et mis au saloir par un boucher maléfique. Saint Nicolas, passant par là, les aurait ressuscités. Cette histoire, bien que macabre, est au cœur des célébrations et explique la présence du boucher (le Père Fouettard) aux côtés du saint.
Côté gourmandises, la Lorraine n’est pas en reste. C’est la saison des Mannele (ou Männele en Alsace), ces délicieuses brioches en forme de petit bonhomme, et bien sûr, du pain d’épices à l’effigie du saint patron.
Un tour d’horizon en Europe Centrale et de l’Est
L’influence de Saint Nicolas ne s’arrête pas là. Son aura s’étend loin vers l’est, avec des coutumes adaptées à chaque culture.
- Au Luxembourg : Le Kleeschen arrive en grande pompe, accompagné de son aide au visage sombre, le Houseker. La tradition est très proche de celles de ses voisins belge et allemand.
- En Suisse :Samichlaus (en Suisse alémanique) ou Saint Nicolas (en Romandie) est une figure respectée. Il sort de la forêt avec son âne et son fidèle Schmutzli (l’équivalent du Père Fouettard). Il ne distribue pas de gros cadeaux, mais plutôt des sacs de jute remplis de mandarines, de noix et de friandises.
- En Pologne : Le 6 décembre est Mikołajki. C’est un jour où l’on s’offre de petits cadeaux, un avant-goût de Noël. Mikołaj (Nicolas) visite les enfants pendant la nuit et laisse des surprises dans leurs chaussettes ou sous leur oreiller.
- En Hongrie :Mikulás visite également les enfants le 6. Ils doivent laisser leurs bottes sur le rebord de la fenêtre. Les enfants sages reçoivent des friandises, tandis que les autres reçoivent un virgács, un petit fagot de brindilles symbolisant une fessée.
- En Russie : Saint Nicolas de Myre ( Svyatoy Nikolay) est l’un des saints les plus vénérés de l’orthodoxie. Cependant, les traditions de cadeaux en hiver ont été transférées, durant la période soviétique, au personnage de Ded Moroz (Grand-père Gel), qui distribue les cadeaux pour le Nouvel An.
Le choc des titans : Saint-Nicolas contre le Père Noël
On ne peut pas parler de Saint-Nicolas sans évoquer son descendant direct et concurrent mondial : le Père Noël. Leur ressemblance n’est pas un hasard. Le personnage de Santa Claus est né de la déformation de Sinterklaas par les colons néerlandais arrivés à la Nouvelle-Amsterdam (l’actuelle New York).
Mais au-delà de leur origine commune, de nombreuses différences subsistent. J’ai résumé les principales dans ce petit tableau pour y voir plus clair.
Critère | Saint-Nicolas | Père Noël |
---|---|---|
Date de la fête | Nuit du 5 au 6 décembre | Nuit du 24 au 25 décembre |
Apparence | Évêque, avec mitre et crosse | Bonhomme rond, costume rouge et blanc |
Origine | Personnage historique (Nicolas de Myre) | Figure folklorique popularisée par la publicité |
Compagnon | Père Fouettard, Krampus, Zwarte Piet… | Lutins, Mère Noël |
Moyen de transport | Cheval blanc (Amerigo) ou un âne | Traîneau tiré par des rennes |
Lieu de résidence | Espagne (selon la légende néerlandaise) | Pôle Nord |
Pourquoi cette tradition perdure-t-elle en 2025 ?
Dans un monde globalisé où l’image du Père Noël de Coca-Cola
est omniprésente, on pourrait penser que Saint-Nicolas est une figure du passé. Et pourtant, il résiste. Mieux, il connaît un regain d’intérêt.
Pourquoi ? Parce qu’il incarne une forme d’authenticité. Sa fête est moins commerciale, plus ancrée dans le terroir et l’histoire locale. Elle est un marqueur d’identité fort, comme en Lorraine où elle est célébrée avec une fierté immense. C’est une tradition qui rassemble la communauté, des défilés dans les rues aux visites dans les écoles.
Elle offre aussi un rythme différent. La Saint-Nicolas ouvre la période de l’Avent avec douceur, sans la frénésie d’achats immédiate de Noël. C’est une fête de l’attente, du partage de friandises, des petits plaisirs simples qui réchauffent le cœur au début de l’hiver.
Alors oui, la carte de l’Europe de la Saint-Nicolas est riche et colorée. Chaque pays, chaque région, y a mis un peu de son âme, de ses peurs et de ses joies. C’est bien plus qu’une simple distribution de cadeaux. C’est une histoire vivante qui se transmet de génération en génération.
La prochaine fois que vous croiserez, début décembre, un grand monsieur à la mitre accompagné d’un âne, vous saurez que vous n’êtes pas simplement en train d’assister à une vieille coutume. Vous êtes le témoin d’une magie qui refuse de s’éteindre. Et croyez-moi, ça fait un bien fou.
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