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Lorraine : Entre France et Allemagne, l’Histoire d’une Identité Partagée

Lorraine : Entre France et Allemagne, l’Histoire d’une Identité Partagée

Lorraine : Française ou Allemande ? L’Histoire d’un Cœur qui Balance

Lorraine : Française ou Allemande ? L'Histoire d'un Cœur qui Balance

La question revient sans cesse, sur les forums de voyage, dans les discussions familiales ou au détour d’un documentaire. La Lorraine, alors, française ou allemande ? C’est une de ces questions qui semble simple, mais dont la réponse est un véritable roman, une fresque historique qui a façonné non seulement une région, mais une partie de l’âme de la France.

Alors, pour qu’on soit clair dès le départ, mettons les pieds dans le plat.

La Lorraine est une région historiquement et culturellement française, malgré des périodes d’annexion, notamment par l’Empire allemand entre 1871 et 1918 pour une partie de son territoire, et par l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale.

Voilà, c’est dit. Mais s’arrêter là serait comme lire uniquement la dernière page d’un livre captivant. Car l’histoire de la Lorraine n’est pas un long fleuve tranquille, mais plutôt un torrent de montagne, changeant de cours au gré des séismes politiques qui ont secoué l’Europe pendant des siècles. Je vous propose de remonter ce torrent avec moi, pour comprendre comment ce territoire est devenu ce qu’il est aujourd’hui : un cœur français battant à la frontière de l’Europe.

Aux Origines : Quand la Lorraine n’était ni Française, ni Allemande

Pour bien comprendre, il faut remonter loin. Très loin. Bien avant que les concepts modernes de « France » et « Allemagne » n’existent. Au IXe siècle, l’immense empire de Charlemagne est partagé entre ses petits-fils. Un territoire central, coincé entre la Francie occidentale (future France) et la Francie orientale (futur Saint-Empire romain germanique), est créé : la Lotharingie.

Vous voyez le tableau ? La Lorraine est née au milieu. Un « entre-deux » géographique et politique dès sa conception.

Pendant des siècles, le duché de Lorraine va naviguer dans les eaux troubles du Saint-Empire romain germanique. Il en fait partie, oui, mais avec une autonomie farouche et un regard de plus en plus tourné vers l’ouest, vers ce puissant voisin français dont la culture et la langue deviennent si séduisantes.

Le point de bascule, le moment où l’orbite change définitivement, c’est en 1542. Par le traité de Nuremberg, le duché de Lorraine s’émancipe de la tutelle impériale. Il est déclaré « libre et non incorporable ». C’est un pas de géant vers l’indépendance, mais aussi, paradoxalement, vers la France. Car en s’éloignant de l’Empire, la Lorraine se rapproche inévitablement du royaume de France, qui n’a jamais caché ses ambitions sur ce territoire stratégique.

1766 : Le Coup de Maître Royal

Avance rapide. Nous voilà au XVIIIe siècle, un siècle de jeux de trônes et de diplomatie à l’échelle d’un continent. L’histoire du rattachement de la Lorraine à la France est digne d’une série politique. C’est une histoire d’héritage, de mariage et de patience.

L’acteur principal ? Un certain Stanislas Leszczynski.

Qui est-il ? Un roi de Pologne déchu, mais surtout… le beau-père du roi de France, Louis XV. La diplomatie française imagine alors un montage absolument génial :

  1. On donne le duché de Lorraine à Stanislas, à titre viager. Il pourra y régner jusqu’à sa mort, comme un lot de consolation pour son trône perdu.
  2. En échange, le dernier duc de Lorraine, François III, reçoit le grand-duché de Toscane et épouse l’héritière du trône d’Autriche, Marie-Thérèse (oui, la future impératrice !).
  3. La clause secrète, le cœur du marché : à la mort de Stanislas, le duché de Lorraine ne retournera pas dans la famille ducale, mais reviendra de droit à la France, via sa fille, la reine.

C’est un coup de génie. Stanislas s’installe à Lunéville, se révèle être un souverain éclairé, un bâtisseur. Il embellit Nancy, créant la magnifique Place Stanislas que le monde entier nous envie aujourd’hui. Il est aimé de ses sujets. Et en 1766, à sa mort, le plan se déroule sans accroc. La Lorraine devient officiellement une province française. Pas par la guerre, mais par un tour de passe-passe diplomatique. Douceur et intelligence. Une annexion de velours.

1871 : La Déchirure, la « Schande »

Pendant plus d’un siècle, la Lorraine est française. Point. Ses habitants se battent sous le drapeau tricolore pendant la Révolution et les guerres napoléoniennes. Ils sont Français.

Puis vient 1870. La guerre contre la Prusse. Une défaite cuisante, humiliante. Et le prix à payer est terrible. Le nouvel Empire allemand, proclamé à Versailles (l’humiliation suprême), exige des territoires. L’Alsace, et une partie de la Lorraine.

Attention, pas toute la Lorraine ! C’est un point crucial. Les départements des Vosges et de Meurthe-et-Moselle (à quelques communes près) restent français. C’est l’actuel département de la Moselle, avec Metz pour capitale, qui est arraché à la France. Ce nouveau territoire, regroupant l’Alsace et la Moselle, devient le « Reichsland Elsaß-Lothringen », une terre d’Empire administrée directement par Berlin.

C’est un traumatisme national. Une blessure béante. Pour les Lorrains annexés, c’est le début d’une période sombre. Ils deviennent Allemands sur le papier, mais restent Français de cœur. C’est l’époque de la « protestation de Bordeaux », où les députés des territoires cédés clament leur attachement à la France. C’est le début du sentiment de la « Revanche » qui animera la politique française jusqu’en 1914.

Pour visualiser ce yoyo incessant, rien ne vaut un petit tableau :

Période Statut de la Moselle (partie de la Lorraine) Événement Clé
Avant 1871 Française Intégration progressive depuis le Moyen-Âge
1871-1918 Allemande (Reichsland Elsaß-Lothringen) Traité de Francfort
1918-1940 Française Traité de Versailles
1940-1944 Annexée de facto (Gau Westmark) Seconde Guerre mondiale
Depuis 1945 Française Libération

1918 et 1945 : Les Retours au Bercail

Le 11 novembre 1918, l’armistice met fin à la Première Guerre mondiale. Pour la France, c’est la victoire. Pour les Alsaciens et les Mosellans, c’est la libération. Les troupes françaises entrent dans Metz et Strasbourg sous les acclamations d’une foule en liesse. Après 47 ans d’annexion, la « province perdue » est de retour.

Mais la réintégration n’est pas si simple. Près d’un demi-siècle de germanisation a laissé des traces. Il faut réadapter le système juridique, l’administration, l’école… Un défi immense, mais relevé avec la joie des retrouvailles.

La joie sera de courte durée.

Vingt ans plus tard, la Seconde Guerre mondiale éclate. En 1940, la France s’effondre. Le régime de Vichy, sous la houlette du Maréchal Pétain qui serre la main d’Hitler à Montoire, collabore. L’Alsace et la Moselle sont de nouveau annexées, cette fois par le IIIe Reich. Ce n’est même pas une annexion officialisée par un traité, c’est une annexion de fait. La région est intégrée au « Gau Westmark ». C’est une période encore plus brutale que la précédente. Nazification forcée, enrôlement de force des jeunes hommes dans la Wehrmacht (les « Malgré-nous »), répression féroce.

La libération sera longue et sanglante. La « Campagne de Lorraine » à l’automne 1944 est l’une des plus difficiles pour les armées alliées. Metz est libérée en novembre 1944, mais il faudra attendre mars 1945 et les combats acharnés de la VIIe armée américaine pour que l’ensemble du territoire lorrain soit définitivement libéré de l’occupation nazie. Depuis cette date, la Lorraine est, et reste, indéniablement française.

La Croix de Lorraine : Symbole d’une Identité Réaffirmée

Comment parler de la Lorraine sans évoquer son symbole le plus puissant : la Croix de Lorraine ? Cette croix à double traverse n’est pas née de la résistance, son histoire est bien plus ancienne. Mais c’est la Seconde Guerre mondiale qui va lui donner sa portée universelle.

En juin 1940, la France est à terre. Le général de Gaulle, depuis Londres, appelle à poursuivre le combat. Il faut un symbole pour la France Libre, pour s’opposer à la croix gammée nazie. C’est l’amiral Muselier, d’origine lorraine, qui la propose. Le choix est immédiatement validé par De Gaulle. Pourquoi ? Les raisons sont multiples :

  • C’est un symbole historique de l’indépendance de la Lorraine.
  • L’amiral Muselier était Lorrain. Un clin d’œil à ses origines.
  • Le 507e régiment de chars de combat, que le colonel de Gaulle commandait avant-guerre, portait la Croix de Lorraine dans son insigne.

Ce choix est un coup de génie symbolique. En adoptant la Croix de Lorraine, la France Libre montre qu’elle se bat pour libérer l’intégralité du territoire national, y compris les provinces annexées. C’est un message d’espoir envoyé aux Lorrains et aux Alsaciens sous le joug nazi.

« En choisissant ce symbole, nous ne revendiquions pas seulement une province, mais l’âme d’une France qui refuse de mourir. La Croix de Lorraine, c’était le « non » français gravé dans le ciel face à la croix gammée. »

Aujourd’hui, de Colombey-les-Deux-Églises au Mémorial de la France combattante du Mont-Valérien, elle incarne la Résistance et la souveraineté retrouvée.

Et Aujourd’hui, en 2025 ?

Alors, en 2025, poser la question « Lorraine, française ou allemande ? » semble presque anachronique. La Lorraine est française. Son identité ne fait aucun doute. Mais son histoire complexe lui a légué un héritage unique.

La Lorraine n’est plus une marche frontalière à défendre, mais un pont au cœur de l’Europe. Des dizaines de milliers de Lorrains traversent chaque jour la frontière pour aller travailler en Allemagne ou au Luxembourg. La culture est imprégnée de cette proximité. On y trouve une rigueur dans le travail, un certain bilinguisme de fait, et une conscience européenne plus forte qu’ailleurs.

L’histoire a laissé des cicatrices, mais elle a aussi forgé un caractère. Une résilience. Une capacité à regarder vers l’autre sans jamais oublier qui l’on est.

Finalement, la véritable réponse à notre question n’est pas binaire. La Lorraine est française, oui. Mais elle est une France enrichie, complexifiée, et rendue plus forte par les épreuves de son histoire et sa position géographique. Elle n’est pas un cœur qui balance, mais un cœur qui a trouvé son équilibre, en France, face à l’Allemagne, au centre de l’Europe. Et c’est peut-être ça, la plus grande des victoires.

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