Alors, comment appelle-t-on une femme qui travaille sur un bateau ? La question semble simple. Presque trop. J’ai un sourire en coin chaque fois que je l’entends sur un ponton ou au détour d’une conversation. La vérité, c’est que la réponse est aussi vaste et complexe que l’océan lui-même.
On appelle une femme qui travaille sur un bateau par le nom de son métier : capitaine, officière, matelot, mécanicienne, ou encore hôtesse si elle travaille dans le yachting.
Voilà, c’est dit. Mais si vous pensiez que c’était la fin de l’histoire, vous n’avez pas encore largué les amarres. Le langage maritime, hérité d’un monde quasi exclusivement masculin, est un labyrinthe de traditions, de néologismes et de termes parfois… maladroits. En 2025, il est plus que temps de naviguer en eaux claires. Accrochez-vous, on lève l’ancre pour un décryptage en profondeur.
Au-delà du cliché : les vrais noms des métiers maritimes au féminin
La première erreur est de chercher un terme générique unique. Personne ne demande « comment appelle-t-on un homme qui travaille dans un bureau ? ». On parle d’un comptable, d’un développeur, d’un chef de projet. En mer, c’est exactement la même logique. La fonction prime sur le genre.
Pendant des siècles, la question de la féminisation ne se posait même pas. Les femmes étaient considérées comme porte-malheur à bord, une superstition aussi tenace qu’une vieille ancre rouillée. Heureusement, les temps ont changé. Les femmes ne sont plus des passagères clandestines de l’histoire maritime, elles sont aux commandes.
Alors, concrètement, quels sont leurs titres ? L’administration des Affaires Maritimes et la langue française ont fait des progrès.
Voici un petit tableau pour y voir plus clair :
Métier (forme masculine) | Forme féminine courante | Quelques précisions |
---|---|---|
Capitaine | Capitaine | Le grade est neutre. On dira « Madame la Capitaine ». Simple, efficace, sans fioritures. |
Officier de pont | Officière de pont | La féminisation est naturelle et largement acceptée. |
Matelot | Matelot | Le terme reste souvent épicène (utilisé pour les deux genres). Certaines préfèrent « matelote », mais c’est moins courant dans le milieu professionnel. |
Mécanicien | Mécanicienne | Aucune ambiguïté ici. Une évidence. |
Maître d’équipage / Bosco | Maîtresse d’équipage | Même si « bosco » reste très ancré, la forme féminine existe et s’impose doucement. |
Commissaire de bord | Commissaire de bord | Comme pour capitaine, le titre est neutre. |
Le principe est simple : on ne définit pas une femme par son genre, mais par sa compétence et sa position hiérarchique. Une femme qui commande un superpétrolier est une capitaine. Point. Celle qui veille au bon fonctionnement des moteurs de 8000 chevaux est la cheffe mécanicienne. C’est son expertise qui parle, pas son prénom.
« Marinette » : Le mot que vous n’osez pas utiliser (et pourquoi vous avez raison… ou tort)
Ah, « Marinette ». Ce mot, c’est un peu le monstre du Loch Ness du vocabulaire maritime. Tout le monde en a entendu parler, on le croise parfois, mais il n’a aucune existence officielle.
Vous ne trouverez jamais le mot « Marinette » dans un dictionnaire officiel pour désigner une professionnelle de la mer. Pourtant, sur les quais de la plaisance, il est sur toutes les lèvres.
J’ai passé des années à naviguer et à former des équipages. J’ai entendu ce mot des centaines de fois. Parfois, il est teinté d’une affection un peu paternaliste, utilisé par un vieux loup de mer pour désigner la jeune matelot qui vient d’embarquer. « C’est notre petite Marinette, elle apprend vite ! ». Souvent, l’intention n’est pas mauvaise.
Mais soyons honnêtes.
En 2025, ce terme a un goût de naphtaline.
Il sonne diminutif. « Marinette » évoque la dînette, la fillette qui joue. Pas la professionnelle qui affronte une mer formée de nuit, qui maîtrise la cartographie électronique ou qui gère un avitaillement pour une transatlantique.
Mon conseil ? Dans un contexte professionnel, fuyez-le comme la peste. N’écrivez jamais « cherche Marinette expérimentée » sur une annonce d’emploi, sauf si vous voulez recevoir des CV de poupées Barbie en marinière. Utilisez le titre du poste. C’est plus respectueux, plus clair et surtout, plus professionnel.
Entre amis, sur un voilier pour une sortie dominicale ? Si le ton est léger et que tout le monde est à l’aise, pourquoi pas. Le langage est aussi une affaire de contexte. Mais la frontière est mince entre le surnom affectueux et le manque de considération. Dans le doute, abstenons-nous.
Zoom sur le yachting : Quand « Hôtesse » et « Stewardess » entrent en scène
Changeons complètement d’univers. Quittons les cargos et les chalutiers pour les eaux turquoise de la Côte d’Azur. Ici, dans le monde feutré du superyachting, les termes anglo-saxons règnent en maîtres et un métier en particulier est très féminisé : celui de « Stewardess », ou « Hôtesse » en français.
C’est un rôle crucial, souvent sous-estimé par les néophytes. On ne parle pas de faire un peu de ménage. On parle d’hôtellerie de luxe sur l’eau.
Le travail d’une hôtesse de yacht exige un niveau de perfection obsessionnel.
Imaginez un hôtel 7 étoiles flottant où chaque client est un ultra-milliardaire habitué à l’excellence absolue. L’hôtesse est la garante de cette excellence.
- Le sens du détail : On ne parle pas de plier une serviette, on parle de réaliser un origami en lin égyptien. L’angle de la taie d’oreiller sur le lit, l’absence de la moindre trace de calcaire sur une paroi de douche en marbre, la température exacte du champagne… tout est scruté.
- Le service : Connaître les préférences de chaque invité, anticiper leurs désirs avant même qu’ils ne les formulent, maîtriser les règles du service à table plus complexes que le code des impôts.
- La gestion : Gérer les stocks de produits de luxe, les inventaires de la cave à vin, l’organisation des cabines et des espaces communs. C’est un travail logistique permanent.
Dans ce secteur, la hiérarchie est précise : on trouve la « Chief Stewardess » (la cheffe hôtesse), qui manage une équipe de « 2nd Stewardess », « 3rd Stewardess » et « Junior Stewardess ». Des agences spécialisées, comme recrutementyacht.agency, sont d’ailleurs le point de passage obligé pour quiconque souhaite intégrer ce milieu très exigeant. Le terme « hôtesse » est ici parfaitement adapté et valorisé.
Briser les vagues (et les stéréotypes) : La place de la femme en mer
Le langage est un navire capricieux. Il est souvent le reflet des mentalités d’une époque. Et pendant longtemps, la mentalité était simple : la mer est une affaire d’hommes. Les mots pour désigner les femmes y étaient donc rares, voire inexistants.
Cette absence a laissé place à des associations d’idées parfois étranges, des stéréotypes qui ont la vie dure. Le langage est un miroir, et il a longtemps renvoyé une image déformée, associant parfois les femmes dans les ports à des rôles qui n’avaient rien à voir avec la navigation. Heureusement, ces clichés sombrent peu à peu dans l’oubli, emportés par la nouvelle vague de professionnelles qui redéfinissent les codes.
Ces femmes ne sont pas des exceptions. Elles sont la nouvelle norme. Je pense à des navigatrices comme Florence Arthaud ou Isabelle Autissier qui ont ouvert la voie. Mais je pense aussi à toutes les anonymes : les mécaniciennes de la marine marchande, les scientifiques à bord des navires océanographiques, les patronnes de pêche.
Et puis, il y a des figures publiques qui, par leur passion, changent aussi les mentalités. Prenez quelqu’un comme Charlotte de Turckheim. On la connaît comme actrice, mais c’est aussi une amoureuse de la mer, une femme qui a possédé son bateau et qui parle de navigation avec une passion communicative. Elle incarne cette nouvelle réalité : la mer n’est plus un bastion masculin. C’est un espace de liberté accessible à toutes celles qui ont l’appel du large, peu importe leur parcours. C’est cette normalisation qui fait bouger les lignes, bien plus que de longs discours.
Les chiffres ne mentent pas : La féminisation du secteur maritime en 2025
Au-delà des mots, regardons les faits. En 2025, où en sommes-nous ?
La féminisation du secteur maritime est une réalité, mais la parité est encore un horizon lointain.
Selon les derniers rapports de l’Organisation Maritime Internationale (OMI), les femmes ne représentent encore qu’un très faible pourcentage des effectifs mondiaux de gens de mer (souvent estimé autour de 2%). Cependant, ce chiffre cache des disparités énormes. Si on regarde le secteur des navires de croisière, ce pourcentage grimpe en flèche, notamment pour les métiers de l’hôtellerie et du service.
La vraie révolution se situe ailleurs.
- L’accès à la formation : Les écoles maritimes, autrefois bastions de testostérone, voient leurs promotions se féminiser d’année en année. Les jeunes femmes n’hésitent plus à s’engager dans des cursus de commandement ou d’ingénierie navale.
- La diversification des métiers : Les femmes investissent des postes techniques longtemps considérés comme masculins. J’ai croisé des soudeuses sur des chantiers navals, des officières de sécurité sur des plateformes pétrolières, des cheffes mécaniciennes qui connaissent leur moteur sur le bout des doigts.
- Une volonté politique et industrielle : Les grandes compagnies maritimes et les organisations internationales mettent en place des programmes pour encourager la diversité et l’inclusion. Elles ont compris que se priver de 50% des talents mondiaux est une aberration économique et humaine.
Le mouvement est lent, mais il est puissant et inéluctable. La mer est l’un des derniers univers professionnels à accomplir sa révolution féminine, et nous sommes en plein dedans.
Alors, on dit quoi finalement ?
Revenons à notre question de départ. Si une femme vous dit qu’elle travaille sur un bateau, ne lui demandez pas si elle est une « marinette ».
Demandez-lui ce qu’elle fait.
Est-elle capitaine ? Ingénieure ? Océanographe ? Hôtesse ? Pêcheuse ?
La réponse la plus juste, la plus respectueuse et la plus moderne, c’est son titre. Son métier.
Car au final, sur l’océan, face aux éléments, le vent, les vagues et le sel ne font aucune différence entre un homme et une femme. Seules la compétence, la passion et la force de caractère comptent. Et croyez-moi, les femmes qui choisissent cette vie en ont à revendre. Le mot le plus juste pour les désigner ? Peut-être tout simplement : des marins. Au sens noble et universel du terme.
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